LE TATOUAGE POLYNÉSIEN

Les motifs communs de tatouage en Polynésie sont essentiellement géométriques. Ce sont des agencements de triangles en aplats et en frises, en damiers sur le torse, en lignes pointillées, continues, droites, en arches, ou en spirales sur le ventre, le dos, les bras et les jambes. Également prisées, les figurations d’hommes (ancêtres, héros…), d’animaux, et de plantes, simplifiées à l’extrême.

DÉCOUVERTE DU TATOUAGE POLYNÉSIEN PAR LES EUROPÉENS

Depuis des millénaires, dans presque toutes les civilisations, les hommes se sont fait piquer la peau pour y incruster des encres. On trouve des traces de ce procédé chez des peuples très anciens et très divers. Cette technique, qui s’est manifestée tout au long de l’histoire de l’humanité, a atteint une surprenante intensité dans le triangle polynésien, dont les Îles Marquises pourraient être considérées comme le point culminant par l’aspect spectaculaire des tatouages qui s’y pratiquaient. Corps totalement recouverts, motifs d’une telle diversité que certains ont cru y déceler les prémices d’une écriture : les premiers Européens qui ont découvert ces îles furent si impressionnés que des « volontaires » tatoués les accompagnèrent à leur retour en Europe, au même titre que les objets d’artisanat local.
Ainsi, Omai, le premier Tahitien ramené en Occident par James Cook devint rapidement célèbre. On l’amena dans les salons à la mode où il exhibait ses tatouages. Un grand nombre des marins qui accompagnèrent ces premières expéditions dans le Pacifique se firent tatoué au fil des escales, amorçant en Europe la tradition du marin tatoué.
On doit aux matelots de James Cook le mot anglais « tattow », qui trouve ses racines dans le mot polynésien « tatau« , issu de « ta » signifiant « heurter » ou « frapper ».

Attention, le tatouage n’est pas nouveau pour les européens, ce n’est pas une nouvelle découverte totale, il avait était interdit par le pape Adrien en 787 puis oublié. C’est par les expéditions européennes en Polynésie que l’engouement autour du tatouage a pu ré-apparaître en Europe.

Omai, premier tahitien à découvrir l'Europe

LA VIE POLYNÉSIENNE ACCOMPAGNÉE PAR LE TATOUAGE

Le tatouage accompagnait la vie des Polynésiens depuis leur naissance. La tradition exigeait en effet que l’enfant qui naissait et sortait du Po (la nuit originelle où se trouvent les esprits et les dieux) soit tatoué de différents signes tout au long de son enfance pour le rendre peu à peu moins tabu (sacré, intouchable). Les premières marques étaient tatouées au coude : sans celles-ci, l’enfant n’était pas libéré du tabu relatif à la nourriture et ne pouvait ni manger à la table familiale, ni absorber d’autre nourriture que celle préparée exclusivement par sa mère. Enfin, lorsqu’apparaissaient les premiers signes de la puberté, les jeunes Polynésiens devaient se soumettre à tous les tatouages rituels requis pour pouvoir participer aux actes quotidiens du village, et surtout se marier. Les jeunes filles étaient tatouées sur les fesses, de grandes arches recouvrant les hanches. Les jeunes garçons devaient subir l’épreuve du tatouage sans exprimer leur douleur, pour montrer leur bravoure. Après ces marques au caractère quasi obligatoire, les Polynésiens continuaient à se faire tatouer tout au long de leur vie, dans un but alors plus esthétique que rituel.

LE TATOUEUR

Dans toute la Polynésie, le tatoueur était un professionnel qui avait appris son art auprès des maîtres-tatoueurs. très respecté, il avait un statut de prêtre du tatouage. C’est grâce à lui et aux motifs qu’il leur gravait dans la chair que chefs et guerriers acquéraient plus de mana (force) et de prestige. Il était rétribué en nature : nourriture, objets domestiques ou cérémonials et bien sûr en tapa (étoffe végétales), qui était la « monnaie » d’échange la plus répandue en Polynésie. Les motifs traditionnellement tatoués aux Îles Cook étaient clairsemés sur tout le corps. On trouve fréquemment tatouée sur le dos de la main une étoile filante à cinq branches, peut-être un souvenir de celle qui mena les premiers navigateurs à leur destination. Chaque tribu, en fonction de son lieu d’origine ou de l’endroit par lequel elle était arrivée sur l’île, possédait son signe distinctif.

Dessin de M. Radiguet

L’INTERDICTION PUIS LA RENAISSANCE DU TATOUAGE

Le tatouage fut longtemps interdit en Polynésie par Pomare Vahine, sous l’insistance des missionnaires, qui y voyaient la transcription la plus évidente des cultes païens accompagnés de cérémonies immorales. Effacé sous la pression missionnaire et l’administration coloniale, le tatouage refait surface depuis une quarantaine d’années seulement. Vecteur d’un retour aux sources, d’un renouveau culturel des peuples de la Polynésie, le tatouage traditionnel revient à l’honneur, plus pour l’univers graphique que pour les techniques de tatouage ou les significations ancestrales de cet acte. À Tahiti, les tatoueurs se sont multipliés, et les candidats au tatouage aussi… Lorsqu’en 1986, le Ministère de la Santé interdit la réalisation de tatouages avec des outils traditionnels, les artistes tatoueurs rivalisèrent d’ingéniosité pour créer une machine à tatouer « moderne » à partir d’un simple rasoir électrique. Mais il est aujourd’hui difficile de renouer avec les traditions d’hier, qui n’ont traversé les siècles que par les témoignages oraux des anciens et les écrits des navigateurs. Pour autant, cela n’élève rien à la force culturelle, à la beauté et  à l’originalité du tatouage actuel.

DE NOS JOURS…

Le renouveau culturel s’exprime d’ailleurs dans tous les arts ancestraux : fabrication de tapa, sculpture, danse, chant, tressage… Il devient revendicatif d’une identité, il est un choix individuel, détaché des anciennes obligations religieuses ou traditionnelles. Valeurs majeures de la reconstitution d’une identité polynésienne, les motifs sont modernisés, libérés de la tradition et l’on y voit s’entremêler les styles marquisiens, samoans et maoris. La Nouvelle-Zélande connaît un phénomène de renouveau culturel long et intense. Comme partout dans le Pacifique, le tatouage a perduré jusqu’à nos jours. Ce retour en force du tatouage, qui s’accompagne d’une réactualisation de la langue maorie, est porteur de la révolte des jeunes Maoris…. et les tatouages faciaux des gangs sont le signe de leur appartenance à la culture polynésienne, tout en conservant leur rôle ancestral : effrayer et terroriser. Certaines bandes d’Auckland font des tatouages faciaux le symbole de leurs gangs.